T’es un leader ou un looser?

Je ne suis pas très « développement personnel », modèles inspirants et tutti quanti. Je suis pour la poursuite des idéaux, le respect des principes… Voilà c’est dit. Et pourquoi ? Pour moi, les modèles sont faillibles, pas les idéaux. Alors forcément je suis un peu en porte à faux avec l’époque actuelle, le discours ambiant qui nous assomme de leadership et autres modèles à suivre.

L’autre soir j’étais à une soirée de « leaders » , c’est la terminologie à la mode. Le monde est peuplé de leader et de looser, évidemment le leadership se mesure à la taille de votre yacht. Attention le leader n’est pas l’intellectuel celui qui pense le monde, ce n’est pas non plus l’idéaliste engagé dans la sociétécivile , ou l’homme politique qui s’engage pour la Polis, la Cité. Non le leader est celui qui fait du fric. Beaucoup de fric.  Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse. Fric is the only chic à Babi comme ailleurs. Ce refrain qui donne un vernis reluisant à une réalité qui l’est beaucoup moins,  celle d’un ultralibéralisme cynique qui produit une véritable arène social où règne le « Marche ou Crève ».

La vacuité de ce type de discours en plus d’être abyssal est dangereuse. L’individu est seul responsable de sa destinée, et sa réussite se mesure à la taille de son compte bancaire. C’est nier d’abord nier qu’il ya une forme de déterminisme social qui fait se reproduire les classes entre elles, c’est nier encore le plafond de verre entretenu par les classes privilégiées ( les privilèges se conservent jalousement dans un entre soi qui permet de les perpétuer à l’infini). Alors oui, même le mec de la main invisible ( Adam Smith pour celles qui dormaient au fond en cours d’économie comme moi)  estimait que l’Etat devait intervenir pour garantir un peu d’équité sociale alors arrêtons de culpabiliser ceux qui ne sont pas « successful » ( ah oui, autres astuces des « leaders », parsemer son discours d’anglicisme pour cultiver le mystère/ l’écran de fumée).

C’est vrai que l’ambition est primordiale, il faut vouloir, se projeter, se jeter dans l’action mais laisser croire que tout repose sur cela est une gageure. Un fils de bonne ( désolée de ce terme désuet et condescendant ) n’aura pas exactement la même facilité  à se construire un parcours , et se verra affronter  à un moment quelque soit son ambition à un plafond de verre ( d’étain même) . Oui bâtir une entreprise à succès quand le financement se fait sur fond propre ou hériter de la banque que papa a bâti ce n’est pas pareil que se faire seul. Alors oui, c’est vrai il leur reste tout de même le foot et le zouglou aseptisé pour s’en sortir… Mais bon , c’est surtout une bonne manière de culpabiliser ceux qui sont juste en dessous et toquent à la porte . Vous n’y arrivez pas ? vous disent les nantis, les repus, les « en haut du panier ».  Et bien c’est par manque de volonté car quand on veut, on peut ! Tout dépend de vous , de votre motivation de vos capacités de leader ( leadership)…. Ben voyons !

C’est plus facile de vous rendre coupable de la pauvreté, pardon de l’extrême pauvreté dans laquelle se complaisent (évidemment) certains au lieu de mettre en œuvre leur leadership. Ainsi on ne remettra pas en cause ce système social où l’accès aux soins, à l’éducation,  au financement, à la propriété ne l’est pas à tous.

Une hôtesse me propose un jour, un magazine pour mon « bien être intellectuel », évidemment j’ai tiqué. Je lui ai demandé de répéter elle m’a répété la même ineptie. On ne peut pas à la fois poursuivre le bien être et nourrir son intellect. Interroger le monde revient à l’analyser , à l’appréhender avec ses aspérités , rien de compabtible avec le bien être . Penser ne rend pas heureux loin de là . Evidemment le magazine en question était une compilation de témoignages de « leaders »…